Le blog de la Guilde des Plumes

Distanciation : un mot à bannir en 2021 ?

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2020 aura produit ses effets sur les mots. De la crise sanitaire aux coups d’éclat politiques, formules et locutions ont marqué l’actualité et alimenté nos discussions.

S’il fallait bannir un mot pour 2021, le choix s’impose et sans aucune hésitation : à bas la distanciation.

J’entends déjà poindre les réactions : « mais il est fou, et les gestes barrières alors, le Covid-19 n’a pas dit son dernier mot, et puis les étudiants on les connait, c’est eux qui remplissent les bars… ».

La distanciation physique, oui, le temps qu’il faudra.
La distanciation sociale, elle, cause trop de dégâts.

2020, c’est l’année du tout distanciel. Par opposition au présentiel, une aubaine que l’on chérit désormais toutes et tous alors que la perspective du retour à une « activité normale » est attendue, enfin, pour 2021 ?

Le distanciel, ce fut le lot des écoliers, des collégiens et des lycéens initiés aux cours en ligne lors du premier confinement. C’est aussi le quotidien des étudiants, chez qui l’on voit monter l’inquiétude et les premiers signes des effets psychologiques alors que la distance s’installe dans la durée.

Être étudiant en 2020, c’était avant tout rester chez soi. Pourtant, qui dit vie étudiante, dit collectif. En mars, surpris et contraints, nous avons d’abord dû plier bagage. Des cours et des évènements en ligne, avec pour paysage nos chambres, salons, et autres décors d’intérieur : une expérience inédite.

Le début de l’automne a offert un regain d’espoir. Après un été correct, septembre annonçait pour certains le retour sur les bancs de la fac. Pour les plus optimistes, on reprogramme les départs à l’étranger en janvier : « ce n’est qu’un report, il s’agit de tenir bon sur nos projets. »

Pourtant, le constat est âpre. Nous restons ballotés par une vie qui suit la trajectoire d’un yoyo, entre progression et recul de l’épidémie, de confinement en couvre-feu, sans qu’un nouvel équilibre de vie se soit encore dessiné.

Au revoir les travaux en groupe, les débats et les échanges entre étudiants et professeurs, les rendez-vous pour évoquer la suite, les rencontres fortuites qui engendrent des projets d’avenir.
Au revoir la transmission par le dialogue, l’échange et la rencontre…

Oui, en termes pédagogiques, la distance permet la continuité. Mais cela ne suffit pas. Nous avons besoin de nous protéger, mais nous avons aussi besoin de nous voir et d’être présents. Bonne nouvelle : l’un n’exclut pas l’autre. Il n’y a qu’à voir les mesures et gestes barrières qui fonctionnent, pour continuer à vivre et interagir le temps que l’épidémie passe son chemin.

Alors, pour la proximité sociale : voyons-nous. Sans oublier la distanciation physique : protégeons-nous.

Les étudiants ne sont pas les seuls à porter ce message. Doyen de la Faculté de droit de Nancy, Fabrice Gartner appelle à leur retour dans un billet intitulé « Les étudiants oubliés : de la méconnaissance aux risques ». De son côté, dans un entretien au Monde, la philosophe Claire Marin suggère qu’« en période de confinement, la maison n’est plus seulement un espace de repos, elle peut devenir lieu d’enfermement ». D’une certaine manière, être étudiant, c’est être confiné depuis bientôt un an.

Plusieurs articles l’avancent : parler de « distanciation sociale », c’est se tromper de bataille. « Distanciation physique » est une formulation plus appropriée. Pour autant, difficile d’évoquer la population étudiante sans penser à une réelle distanciation sociale.

Mais quoi de plus social que la vie étudiante ? Si les appels à la solidarité ne manquent pas, il faut se rendre à l’évidence : en pleine période d’apprentissage et de construction personnelle, qui dit solidarité, dit proximité. En 2021, composons avec nos contradictions : la solidarité et l’entre-aide ne fonctionneront qu’avec une certaine proximité sociale.

Voici donc une proposition : dans les discours comme dans les actes, préférons « distanciation physique ».

Pour que 2021 rime avec proximité, que les étudiants retrouvent les bancs de l’université et surtout ce que notre présence n’abandonnera jamais au virtuel : la force du lien social.