Le blog de la Guilde des Plumes

Discours d’Emmanuel Macron devant l’Onu pour la reconnaissance de l’État de Palestine, exercice de miroir

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Des discours, un président de la République en fait tous les jours. Mais des discours historiques, c’est l’exception. Il faut une circonstance extraordinaire, et une prise de position et de risque qui fassent date. En proposant que la France reconnaisse l’État de Palestine, Emmanuel Macron se devait d’avoir un discours à longue portée, car les paroles d’aujourd’hui président aux actes de demain.

S’inscrivant dans la tradition diplomatique des discours à portée universelle, Emmanuel Macron s’inscrit également dans un contexte où les discours politiques se veulent en rupture : mise en cause des démocraties, mise en cause des récits rassembleurs, mise en cause de la philosophie des lumières.

C’est bien en opposition de phase que le discours de Macron se situe : rappel de ce qui fait notre universalisme et notre humanisme sous forme d’anaphores : « Une vie vaut une vie », rappel de l’impossibilité d’aller plus loin dans l’inhumanité « Le temps est venu ». Et ce discours est constamment double : adressé à Israël à propos de la Palestine, adressé aux Palestiniens à propos des Israéliens.

Il s’agit d’un exercice d’équilibriste, Emmanuel Macron le mène à bien à travers une dichotomie constante :

– État reconnu pour Israël en 1947 / reconnaissance inachevée pour la Palestine depuis,

– otages israéliens / population palestinienne en souffrance,

– amitié avec Israël / amitié avec le peuple palestinien.

Le discours distribue l’empathie en symétrie : « Je le sais pour avoir pris dans mes bras les familles des otages » / « Je le sais pour être allé aussi au chevet des victimes palestiniennes des opérations militaires israéliennes »

et les responsabilités de part et d’autre : Israël a droit à la sécurité mais doit arrêter ses opérations militaires / la Palestine a le droit d’exister mais doit démanteler le Hamas.

Cette distribution s’opère dans un va et vient méticuleusement dosé : Israël citée 33 fois, la Palestine 27. Un léger accent est mis sur Israël, car l’exercice est délicat, et le plus grand obstacle reste de convaincre l’État juif dont les différentes composantes politiques étaient unanimement contre cette annonce.

Enfin, l’impasse dans laquelle sont les deux populations est résumé dans un terme énigmatique de « solitude jumelle », dont on ne sait comment l’interpréter : chaque camp est en réalité seul et la voie de sortie pour la paix durable serait l’acceptation.

Emmanuel Macron joue donc cette carte que seule la France a coutume de défendre : celui de la vieille nation, mère de toutes les diplomaties, exercice dans lequel ses représentants se sont illustrés plus d’une fois quand la puissance ne suffisait pas : « le droit doit l’emporter sur la force ». Peut-être là le pied de nez très français aux États-Unis dont les discours ces derniers mois ont tendu vers le principe inverse.