Le blog de la Guilde des Plumes

2021 ou les voeux en marche arrière

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Pour un dirigeant et ses équipes de com, quelle année ! De quoi perdre son latin et faire une croix sur les prévisions de janvier. Et dire que 2020 avait si bien commencé ! Une année que l’on rêvait 20 sur 20. Trop beau pour être vrai. 

Après le « Au revoir » de Giscard, bienvenue à « l’Adieu 2020 » ou l’impossible discours des vœux de rentrée.

Tout fout le camp ! 

Adieu le traditionnel casse-tête chinois du Dir com pour trouver the place to be pour des vœux réussis « à l’image de l’entreprise » : est-ce qu’on loue le Musée de l’homme, la Cigale ou le Stade de France ? « Rien du tout, chéri. Cette année, tu vas faire des économies ». 

Adieu le discours institutionnel de 45 minutes à La Cité de l’architecture où le dirigeant expose sa vision de l’avenir, seul en scène, devant mille invités prêts à dévorer un buffet comme on attaque un buffle, avant de faire la queue pour tenter en vain de serrer la paluche du Président. Un acte de bravoure révolu.

Adieu le discours en deux temps qui ravit depuis des générations les étudiants de sciences-Po ! Partie I : une année avec des résultats encourageants. Partie II : des perspectives fortes pour l’année à venir. L’ancien temps !

Quels résultats encourageants en 2020 hormis pour votre caviste ou votre marchand de légumes qui ont vu leur chiffre d’affaires doubler depuis le confinement (jamais leurs clients n’ont autant consommé depuis qu’ils ne dînent plus au bistrot) ?

Et quelles perspectives en 2021 quand on sait qu’un troisième confinement nous pend au nez et que les conséquences de l’arrêt du monde vont se faire sentir comme une bombe à retardement ?

Difficile aussi d’« embarquer ses équipes » comme on dit sur les perspectives en 2030, quand on ne sait pas si on existera encore en 2025, ainsi que l’a fait remarquer le dirigeant d’une banque publique à une brillante équipe de consultants lui ayant présenté un magnifique plan d’avenir à 10 ans.

Adieu l’instant de complicité entre une plume et un dirigeant juste avant qu’elle ou il ne monte sur scène et qu’on lui murmure à l’oreille : « Ça va très bien se passer ! Rassurez-vous ! ». Moment rare d’intimité avec celle ou celui pour qui l’on écrit jour et nuit. 

Non. Cette année, le CEO prononcera ses vœux seul dans son bureau d’une tour de La Défense où même la standardiste a déserté… ou chez lui, en Normandie, avec un problème de connexion avant de se livrer à un chat inédit avec ses 140 000 salariés.

Et le cadeau ? 

Vous y avez pensé au cadeau au Comex, au Codir, aux élus ? 

Adieu la boîte de chocolats avec le logo de l’entreprise ou le traditionnel mug de rentrée qu’on refourgue à sa mère d’un air un peu gêné.

Cette année, ce sera un tee-shirt de foot XXL pour tout le monde – n’y voyez aucune allusion aux 10 kilos que vous avez pris depuis mars ! – pour soutenir une équipe sponsorisée par le groupe qui jouera devant un stade vide. Chouette !

Vous voyez, ce confinement n’a pas que des mauvais côtés. 

Alors, que vous souhaiter ?

On pourrait dire, ô Dieu, bien des choses en somme. 

En variant les plaisirs, par exemple, tenez :

Facile : « Bonne année 2021 ! ». S’il vous plaît, faites un effort.

Encore plus convenu : « Osons la confiance ». Plutôt que de la proclamer, rétablissons-la par des actes.

Giscardien : « Salut à toi, 2021 ! » Ca au moins, ça a de la gueule ! Cela n’engage à rien, c’est totalement décalé… mais cela fera sourire vos équipes.

Tragique ou humoristique (au choix) : « Le passé est épouvantable, le présent est catastrophique. Heureusement, nous n’avons pas d’avenir » (proverbe arménien)

Mitterrandien : « Je crois aux forces de l’esprit et je ne vous quitterai pas ! ». Curieux quand on sait qu’on va mourir ! Mais les Présidents, comme les rois de France, sont éternels, n’est-ce pas ? François, où es-tu ?

Présidentiel : « En 2021, quoi qu’il arrive, l’espoir est là. » Après le « quoi qu’il en coûte » de 2020, « quoi qu’il arrive » est la nouvelle expression de la rentrée.

Eternel : « Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous mais ce que vous pouvez faire pour votre pays. » Face à un État endetté, l’heure est plus que jamais aux initiatives privées et à l’engagement individuel et collectif.

Visionnaire : « Les problèmes du monde ne peuvent être résolus par des sceptiques ou des cyniques dont les horizons se limitent aux réalités évidentes. Nous avons besoin d’hommes capables d’imaginer ce qui n’a jamais existé. » Kennedy, une fois de plus, nous ouvre des perspectives (il avait surtout une bonne plume !).

Poétique : « Ne désespérez jamais, faites infuser davantage », écrit Henri Michaux… sans doute sous mescaline. Intéressant tout de même. 

Réaliste : « Mieux vaut prendre le changement par la main avant qu’il ne nous prenne par la gorge. » dixit Churchill. Tout est dit. 

Joueur : « Que vous souhaiter en 2021 sinon une aussi bonne année qu’en 2020 car 2021 pourrait être pire ? » comme me l’a soufflé mon ami David Dautresme.

Rieur : « – Je vous apporte mes voeux. – Merci, je tâcherai d’en faire quelque chose. » (Jules Renard).

Stratège : « Il ne faut pas tout craindre, mais il faut tout préparer ». Soyons des Richelieu !

Impatient : « La différence entre un rêve et un projet, c’est une date. » C’est Walt Disney qui le dit. Alors, n’attendons plus !

Hédoniste : « Vivez, si m’en croyez, n’attendez à demain. Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie. » Ronsard, bien sûr.

Pragmatique : « Ne cherchez pas la faute, cherchez le remède. » Henry Ford en savait quelque chose.  –

Engagé : « La vraie générosité envers l’avenir consiste à tout donner au présent. » disait Albert Camus. Et l’avenir, c’est maintenant.

Et puisqu’il faut bien sourire, gardons notre humour avec Voutch :

Et puisqu’il faut bien rêver, réécoutons ensemble ces vœux de Jacques Brel :

 

« Je vous souhaite des rêves à n’en plus finir et l’envie furieuse d’en réaliser quelques-uns. 

Je vous souhaite d’aimer ce qu’il faut aimer et d’oublier ce qu’il faut oublier. 

Je vous souhaite des passions, je vous souhaite des silences. 

Je vous souhaite des chants d’oiseaux au réveil et des rires d’enfants. 

Je vous souhaite de respecter les différences des autres, parce que le mérite et la valeur de chacun sont souvent à découvrir. 

Je vous souhaite de résister à l’enlisement, à l’indifférence et aux vertus négatives de notre époque. 

Je vous souhaite enfin de ne jamais renoncer à la recherche, à l’aventure, à la vie, à l’amour, car la vie est une magnifique aventure et nul de raisonnable ne doit y renoncer sans livrer une rude bataille. 

Je vous souhaite surtout d’être vous, fier de l’être et heureux, car le bonheur est notre destin véritable. »

 

A bon entendeur, salut.

2020 est mort, vive 2021 !