Le blog de la Guilde des Plumes

Charline Birault, plume engagée

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« Pendant longtemps j’ai eu honte d’où je venais, et à un moment, j’ai eu honte d’avoir honte ». Cette citation de Nicolas Mathieu (Goncourt 2017), Charline me la livre dans un grand sourire, les mains entourant un café bien chaud. Cette référence lui permet d’évoquer le fait que sa famille soit issue de ce que l’on appelle « les classes populaires ». Avec le souvenir que chaque euro était compté… sauf pour les livres : « Je n’avais pas le droit de dépenser plus de 15 euros pour un pantalon mais je pouvais acheter pour plusieurs centaines d’euros de livres en une seule fois. »

Car les livres, elle s’y abreuve, afin de se nourrir, dit-elle, de « toutes les vies que je ne vivrai pas », afin de découvrir le monde, mue par une soif de « tout connaître ». C’est aussi ce qui l’a conduit à le parcourir, ce monde. Son premier voyage, au Sénégal, est une vraie claque. Il y en aura d’autres, sur plusieurs continents (de l’Europe à l’Asie, en passant par la Colombie, l’Argentine, l’Australie…)

Pour Charline, le fait de s’échapper, par les livres ou les voyages, ouvre une porte qui, loin d’être une porte de sortie, ou une fuite, est une nouvelle porte d’entrée vers elle-même.

Après des études en droit public, elle enchaîne avec un Master anglophone en droit européen, qui lui permet de s’établir un an à Cardiff. Elle arrive ensuite par un heureux concours de circonstances au poste d’assistante parlementaire du député de Vannes : alors qu’elle était arrivée « en colère », il la réconcilie avec la politique. Elle y restera près de quatre ans. Puis elle devient conseillère et plume au cabinet du Président de la Région Bretagne, sur les questions d’environnement et d’aménagement du territoire. Au fil des ans, des rencontres et des voyages, ses opinions s’affinent et s’affirment.

Charline revendique « une conception assez fusionnelle du rôle de la plume ». Elle est très attentive à l’incarnation du discours par l’élu avec lequel elle travaille. Et sa fierté est de parvenir à relever ce challenge qui consiste à trouver les mots qui lui correspondent.

Pour cela, la plume se doit d’être non seulement empathique mais aussi dans une qualité de présence à chaque instant, « sur le qui-vive », dit Charline : Il s’agit de déceler ce qui importe à l’élu au-delà de ce qu’il donne comme éléments au moment de la préparation du discours. Repérer les mots fétiches et les tournures de phrases, les arguments qui reviennent, les souvenirs d’un passé de militant… Autant de grains à moudre récoltés au fil des jours au service de prises de parole qui sont et sonnent juste.

Aujourd’hui, devenue plume indépendante, ses engagements s’articulent autour du féminisme, de l’écologie et de la justice sociale. C’est sur ces sujets, dans une proximité de pensée, qu’elle écrit pour ses clients, tout en exprimant son point de vue personnel sur les réseaux. Ce qui ne l’empêche pas d’adopter le ton plus neutre de circonstance pour des demandes institutionnelles.

Pour autant, engagement ne rime pas avec « encartement » : s’il est une valeur qui tient au cœur de Charline, c’est la liberté : « je déteste que l’on me dise ce que je dois penser ». Ses opinions, elle continue de les forger au fil de ses inspirations, qui l’amène à prendre en note le réel sur les quatre carnets (au moins) qui ne la quittent jamais.

Cette liberté lui permet d’explorer, par la rencontre ou le voyage, quantité de nouveaux horizons, qui nourriront sa mise en mots le réel, pour elle-même comme pour ceux qui ont besoin de s’exprimer sur la complexité du vivant, de notre société, bousculée par les événements, sur la précarité des femmes ou sur les débats d’idées en des temps d’élection…

Et le passage du réel au papier passe inévitablement par un rituel d’écriture, celui qui pose l’esprit avant que ne se pose la mine du crayon : boire une boisson chaude – un café, qui lui rappelle tant la chaleur d’un foyer que ses voyages en Amérique latine et en Asie, ou un english breakfast avec du lait, souvenir de ses études en Angleterre.