Le blog de la Guilde des Plumes

Ingrid Leduc: L’écriture comme exploration

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Si l’on ne devait garder qu’un seul mot pour tenter de décrire la posture d’Ingrid face à la vie comme à l’écriture, ce serait peut-être celui-ci : « exploration ». Avec tout ce que ce mot implique de liberté, de curiosité, d’intrépidité et de confiance. Une exploration tous azimuts, qui met hardiment les voiles vers l’inconnu, qu’il s’agisse des récifs du monde extérieur ou des confins de l’âme humaine.

Ingrid explore la beauté des paysages. Ceux de la ville de Rennes, où elle a largué les amarres il y a maintenant 2 ans et où elle travaille désormais comme plume de la Maire de Rennes. Mais aussi ceux qui entourent la capitale bretonne, à deux pas du Mont-Saint-Michel, de la forêt de Brocéliande et de la Roche aux Fées : « Marcher dans la nature est vital pour moi. Cela décloisonne l’esprit », explique Ingrid qui, face à la grâce des paysages naturels, ressent un « vertige agréable, excitant » ; le même que celui qui la traverse au moment de commencer à écrire : « La page blanche m’angoisse peu, au contraire. Il s’agit du plus bel espace de liberté, celui où tout, absolument tout, est encore possible ».

Aux côtés de la Maire de Rennes, Ingrid explore depuis 8 mois le monde de la parole politique. Un univers nouveau pour elle qui avait jusqu’ici sillonné d’autres mers, celles des ONG et des fondations, d’abord au Rwanda puis en France. La transition s’est faite en douceur avec une activité de plume indépendante pendant une année. Son nouveau métier, qui comble à la fois son goût pour l’écriture et sa quête acharnée de sens dans un monde en transition, Ingrid le qualifie d’ « hyper stimulant » : il s’agit pour elle de « contribuer à l’élaboration et la diffusion de la parole politique, de faire en sorte que la parole de la Maire soit à la fois comprise et incarnée ». Un défi qu’elle relève en menant la guerre aux mots-valises et à la novlangue, en développant une langue concrète, pratique, qui évite le « lyrisme exacerbé » et en adaptant constamment ses discours aux publics auxquels ils s’adressent.

Après une prise de poste quelque peu acrobatique, en pleine crise sanitaire, Ingrid découvre peu à peu son nouveau quotidien de plume : la difficulté, parfois, à retranscrire l’humour, les idées ou le débit d’une oratrice qu’elle côtoie encore assez peu, mais aussi « la diversité des sujets et des formats, le travail en équipe et la dimension concrète d’un cabinet politique ». Malgré l’urgence des commandes, Ingrid s’efforce toujours d’apporter du fond, de prendre du recul et de rattacher les sujets qu’elle traite à des questionnements et des réflexions plus vastes,  qu’elles soient sociales, économiques ou philosophiques. Il faut alors du temps – qui manque souvent ! – pour laisser maturer, fluidifier certaines formules et donner de la chaire aux discours. Il faut aussi ouvrir son esprit, créer des intermèdes et chercher de l’inspiration partout où elle se trouve : dans la presse – par exemple dans Le 1, qu’Ingrid apprécie particulièrement – mais aussi dans les podcasts, les romans – Maylis de Kerangal ! – ou encore dans la poésie – Philippe Jaccottet, René Char, les poèmes politiques de Paul Eluard….

C’est enfin vers les autres qu’Ingrid tourne ses instincts d’exploratrice, fascinée par cette « Terra incognita » que constitue chaque individualité, chaque corps, chaque parcours de vie. De l’ « autre », elle ne cherche pas vraiment à percer le mystère ; ce qui importe c’est « d’ouvrir un espace de liberté où chacun peut se redéfinir ». En 2015, bouleversée par les attentats de Paris, elle décide d’aller à la rencontre d’inconnus et d’écrire leur portrait. Ce qu’elle fera, le temps d’une année : un portrait par jour, pendant 365 jours. A travers ces portraits Ingrid cherche, une fois encore, à prendre des chemins de traverse : « ce qui m’intéresse, c’est de poser aux gens des questions qu’on ne leur a encore jamais posées, d’ouvrir de nouvelles perspectives ». Son écriture du portrait s’ancre profondément dans le sensible, le concret de la vie des inconnus qu’elle rencontre : « je me concentre moins sur ce qu’ils pensent que sur ce qu’ils sont et font, les lieux d’où ils viennent, sur ce qui les a façonnés. J’essaie de lire entre les lignes ». Une approche que l’on retrouve dans ses romans – car oui, Ingrid écrit aussi des romans : « Pour mes romans, j’écris aussi avec mon corps, avec cette part d’intuition, de sensible. ».

Plume politique, portraitiste, écrivaine… Ingrid échappe elle-même à toute définition et renouvelle constamment son art d’écrire – la condition pour ne pas se laisser enfermer, éviter le formatage et les automatismes. Laissons cette exploratrice des mots et de l’imaginaire continuer, mue par sa puissante curiosité, à interroger le monde et tracer de nouveaux chemins. Elle saura sans nul doute en tirer de belles histoires.