Le blog de la Guilde des Plumes

Pour ou contre : l’anaphore

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À l’oral, on a droit de faire des choses que nos professeurs nous ont toujours interdit à l’écrit. Par exemple, les répétitions. L’attention à l’oral étant moins soutenue qu’à la lecture d’un texte, répéter un mot-clé, une idée force, permet de l’ancrer dans la mémoire de l’auditeur. La répétition est donc non seulement permise mais conseillée ! Placée en début de phrase, elle prend le nom d’anaphore.

L’anaphore : pédagogique et grandiloquente

L’anaphore est la figure de style favorite des grands discours… et des discours de campagne. Dans un style très « présidentiel », elle donne de l’emphase et permet de bien faire comprendre le point focal et l’intention…

On la trouve :

  • Dans le discours du général De Gaulle pour la Libération de Paris le 25 août 1944, le célèbre et maintes fois pastiché : « Paris ! Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! Mais Paris libéré ! »

Dans des discours présidentiables ou de présidents élus :

  • Dès le discours d’investiture de Nicolas Sarkozy en tant que candidat (le 14 jan­vier 2007) : une anaphore à partir de la répétition « Je veux être le Président qui…, je veux être le Président de… » (une dizaine de fois).
  • Par François Hollande : « Moi président de la République » répété 15 fois dans une prise de parole lors du débat télévisé de l’entre-deux tours, le 2 mai 2012.
  • Par Emmanuel Macron, en meeting à Marseille le 1er avril 2017 : « Être patriote, ce n’est pas la gauche (…) et ses utopies. Être patriote, ce n’est pas la droite qui se perd dans ses avanies et ses esprits de revanche. Être patriote, ce n’est pas le Front national, le repli et la haine qui conduira à la guerre civile. Être patriote, c’est vouloir une France forte, ouverte sur l’Europe et regardant le monde. »

Les utilisateurs de l’anaphore vantent son efficacité : le public retient la phrase-clé ! Les détracteurs leur répondent que 15 fois « moi, Président… » c’est trop. Nombreux sont les auditeurs à trouver que le fait de répéter tant de fois le même terme leur donne la sensation d’être en-dessous d’un clou que l’on martèle…

L’anaphore comme outil rythmique

Et si l’on regardait l’anaphore non pas comme l’indispensable attribut de la grandiloquence mais jusque comme un outil rythmique ? Sa fonction serait ainsi juste de rompre la monotonie d’une logorrhée.

Ainsi, l’usage de l’anaphore s’apparent à celle d’une liste à puce dans votre présentation Powerpoint et il est conseillé de respecter les mêmes recommandations que pour vos présentations : entre 3 et 5. Pas plus.

Et pourquoi pas avec des mots outil ? Car l’effet attendu ici est plus rythmique (et sonore) que pédagogique (répéter pour faire entrer dans les crânes). On peut donc très bien réaliser une anaphore en « puisque… » pour créer un petit effet de suspense et d’accumulation avant d’annoncer un effet ou une mesure adéquate.

  • Puisque l’anaphore donne du rythme,
  • Puisque c’est une figure de style qui permet de relancer l’attention,
  • Et puisque le style doit être au service de l’auditoire,

Alors, oui, l’anaphore a sa place dans vos discours !