Le blog de la Guilde des Plumes

Renée Zachariou, pertinente avec impertinence

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Depuis quelques semaines, ma boîte mail est régulièrement égayée par une joyeuse série de Chaussettes de soirée – la newsletter que lance Renée Zachariou. Comme les chaussettes qu’on accroche, pleins d’espoir, devant la cheminée, elles sont remplies de surprises : Renée y parle avec humour et profondeur de l’IA, de bénévolat, de littérature, de tous les sujets qui lui passent par l’esprit, avec le ton fantasque et le sens pédagogique qui lui sont propres. « Dans une newsletter, tu sais que le message arrive au lecteur. Pas comme dans le grand buffet des réseaux sociaux », confie-t-elle. Vous êtes invités : installez-vous confortablement, et attendez-vous à une conversation à bâtons rompus sur tous les sujets et d’autres encore.

Ce fouillis de culture, de réflexions, de références obscures, de blagues et d’auto-dérision, c’est Renée au naturel. Le plus beau, c’est qu’elle garde cette chaleureuse fantaisie, en la disciplinant un peu, pour animer les articles qu’elle rédige en indépendante. Les sujets arides ne l’effraient pas, au contraire : elle écrit sur la fintech, l’écologie ou les géocommuns avec une plume aussi experte qu’allègre. Elle résume elle-même : « Mon objectif : rendre accessible la complexité — encore mieux si c’est avec une touche d’humour ! »

Parmi ses clients, des institutions comme le CNRS, des entreprises, des startups, des artistes. « Être plume, dit-elle, c’est mettre ses mots au service de la vision de l’autre : utiliser son expertise et savoir se remettre en question. » C’est, en somme, être claire sans être transparente, c’est la confiance de celle qui écrit avec l’humilité de celle qui apprend. Et avec des sujets aussi pointus et variés que les ordinateurs quantiques, la représentation de la nature par l’IA ou les réacteurs nucléaires de troisième génération, ce n’est ni la curiosité ni la rigueur qui manquent à Renée Zachariou ! Elle se spécialise d’ailleurs dans les formats longs, articles, tribunes, où elle peut donner la mesure de sa compréhension fine du client et de ses enjeux.

Précise sur le fond, flexible sur la forme, avec les talents d’une gestionnaire et d’une artiste, Renée fait dialoguer des univers opposés, à l’image de son parcours tout en contrastes. Elle arrive à Paris après une jeunesse athénienne, et termine sa licence par une année d’échange aux États-Unis. Elle poursuit en double-master : Sciences Po pour la pour « la dimension service public et culture », HEC pour « l’angle et le vocabulaire business ». Deux masters n’étant pas assez, elle suit aussi une licence d’Histoire de l’art à Lille-III. Son premier poste à Futur en Seine mêlait déjà innovation, science, tech et business. Elle a ensuite été administratrice pour un artiste contemporain, avant de superviser, à Google Arts & Culture, des projets de numérisation et médiation au Château de Versailles et à la grotte Chauvet.

Grande lectrice et exploratrice de thèmes obscurs, elle confesse : « il y a beaucoup de choses que j’ai lu beaucoup trop tôt — ou trop jeune. J’avais insisté pour lire Dracula en sixième, et je suis fan de fantastique depuis. Mais La bête humaine, j’aurais mieux fait d’attendre…. » Ces lectures lui ont ouvert la voie de la littérature anglo-saxonne post-moderne, à laquelle elle n’a cessé — sans succès — de vouloir me convertir. David Foster Wallace, les mangas… peuplent son imaginaire, qu’elle partage volontiers : il y a cinq ans, elle a créé le Writing Club, devenu une pouponnière d’écrivains.

Je ne la remercierai jamais assez pour cela ! Renée et moi, nous avons fait les mêmes études, nous avons toutes deux travaillé à Google Arts & Culture, et pourtant nous nous connaissions à peine. Ce qui a vraiment soudé notre amitié et mon admiration, ce sont ces rendez-vous réguliers autour de jeux d’écriture, de lectures et de partage de textes. À l’origine, nous étions un petit groupe de « jeunes actifs » qui faisions des cadavres exquis ou nous lisions nos rêves. Mais par un prompt renfort, le Club compte, cinq ans plus tard, une trentaine de membres unis, une demi-dizaine de manuscrits terminés et de nombreux autres en cours, dont nous partageons les avancées de mois en mois. C’est ainsi que j’ai pu découvrir et discuter son roman fantastique Mœdium, qui mêle la mythologie grecque et le thème du deuil familial à une réflexion originale sur les technologies et l’addiction au portable.

Son conseil d’écriture ? « Se connaître, savoir ce qu’on aime écrire, ce qu’on écrit le mieux. » En somme : se faire confiance pour exprimer sa singularité, sans chercher à correspondre à un rôle social ou à un modèle étranger. On ne se passionne pas impunément pour l’histoire grecque : Γνῶθι σεαυτόν, « Connais-toi toi-même. »

Laura Sibony pour la Guilde des Plumes