Le blog de la Guilde des Plumes

William N’gbala, le vertige de l’écriture

5337 signes espaces compris
William N'Gbala par Thibault Chapotot

L’histoire de William est une question d’équilibre. Entre les mots, entre les livres, entre les lignes… mais aussi et surtout, entre les mondes qui le pétrissent et le nourrissent.

Rédiger le portrait de quelqu’un, a fortiori quand ce quelqu’un est lui aussi un professionnel de l’écriture, c’est toujours une rencontre. Rencontre pendant laquelle nous avons parlé d’un galop dans le rouge d’une plaine solitaire, de petits hommes verts, de l’éclat d’un diamant, de l’ocre éternel du Proche-Orient et du bleu de l’océan Pacifique. Pacifique : n’est-ce pas un joli mot pour quiconque travaille sur les identités et sur les liens entre les Hommes ?

– – – – –

William grandit dans un petit village du Sud-Ouest, entre une mère issue de la campagne lotoise et un père venu d’une métropole africaine. Gamin des champs, il puise dans son métissage une identité complexe, profonde, pleine de nuances et de respect de l’autre.

Vous pensez que les plumes sont toutes d’anciens gamins dévoreurs de livres ? Eh bien non… William préfère les cabanes et la Game Boy. Jusqu’à ses quinze ans, où au hasard bienheureux d’une sortie scolaire, il se retrouve à lire Percy Jackson… Sa toute première fiche de lecture ! Et si, entre-temps, il en a rédigé beaucoup d’autres, c’est bien grâce à celle-ci qu’il tombe dans la marmite de l’écriture.

Dès lors, il dévore. Tout, partout, tout le temps. Mais il sait, ou plutôt il croit, que les mots ne peuvent pas être un métier sérieux. Il fait donc des études… sérieuses ! D’abord un Bac scientifique, puis Sciences Po Toulouse, avec dans l’idée de devenir diplomate.

Et il commence à voir du pays. Il part au Proche-Orient, dans une terre comme lui duale, hélas duelle : entre Beer-Sheva et Jérusalem, il passe six mois à apprendre la géopolitique du conflit israélo-palestinien, la place des minorités, l’histoire du peuple juif dans le monde arabe… Il rejoint ensuite l’ambassade de France en Australie, où entre deux sessions de surf sur les vagues du Pacifique, il rédige éléments de langage et autres revues de presse. Cellule de crise, covid, rapatriement : son stage sera plus court que prévu, mais l’expérience est prise.

De retour en France, William retrouve Sciences Po et ses ambitions diplomatiques : il s’inscrit en Master et prépare les concours de la haute fonction publique. Pendant deux ans, il bosse et il bûche ! Avec, au passage, un stage au Conseil constitutionnel, pendant lequel il assure notamment la relecture de textes juridiques. La syntaxe, la terminologie, la virgule : et si finalement, c’était là qu’il était le meilleur ?

William valide son Master. Mais il ne passe pas les concours. Un renoncement qui sera une véritable libération : s’il ne regrette aucun choix, aucune étape, il sait désormais que le Quai d’Orsay n’est pas pour lui. Et que son truc, le vrai, le vibrant, ce sont les livres et l’écriture.

Alors il découvre que plume, en fait, peut être un métier sérieux ! La première offre d’emploi sera la bonne : William intègre le Conseil départemental de l’Ain, où il rédige pour le Président. Et il adhère à la Guilde des Plumes, où il comprend qu’il existe d’autres extra-terrestres qui, comme lui, se nourrissent des mots et du verbe.

Quinze mois plus tard, il devient conseiller discours et prospective au musée du Quai Branly – Jacques Chirac. Et depuis, William s’émerveille… Face à l’immensité du monde, la diversité des peuples, la grandeur des civilisations, il se sent parfois petit. Mais il apprend tous les jours. Il se nourrit de la richesse des expositions, de la variété de ses interlocuteurs, de la longueur de leur CV.

Loin d’être une plume solitaire, il évolue dans un écosystème qui traverse les frontières : celles des âges, celles des arts, celles des pays. Au quotidien, il rédige discours et interventions, préfaces et éditos, langages et expressions. Il lit, pour alimenter la vision et le positionnement du musée en général et du Président en particulier. Et il relit, aussi, l’ensemble des documents produits par le musée, afin que celui-ci s’exprime d’une voix unique et cohérente.

S’il cherche encore les mots pour exprimer sa chance de travailler dans un contexte aussi fertile, William y a profondément trouvé sa place. L’intercompréhension, le dialogue des cultures, les différentes manières d’être, l’apprentissage pour et avec l’autre : tout cela résonne et concorde, infiniment, avec sa propre identité.

L’écriture, pour lui, est l’expression pure et nue de la liberté : il y met quelque chose d’intime qui n’appartient qu’à lui. La technique ne l’intéresse pas : il préfère l’instinct, l’urgence, le vertige, à l’image d’un cheval au galop. Le diamant brut, plutôt que le travail d’orfèvre.

L’inspiration de William est toujours frappante, grisante. Alors il plonge et écrit des fictions. Ses deux premières nouvelles ont reçu les prix Claude-Nougaro et Capitoul. Son premier manuscrit est à la recherche d’un éditeur (à bon entendeur…). Quant au second, il est en cours.

L’avenir ? William n’y pense pas trop, parce qu’il n’est pas rassasié de son présent et de toutes ces cultures qui dansent autour de lui. Tous les chemins sont donc ouverts… Et comme disait son maître à penser, Nelson Mandela : « Cela semble toujours impossible, jusqu’à ce qu’on le fasse. »

Marion Haug pour la Guilde des Plumes

Crédit photo : Thibault Chapotot