Le blog de la Guilde des Plumes

Gauthier Dufossez, la musique et les mots

5703 signes espaces compris

J’avais prévu de faire le portrait d’une plume mais c’est sous les traits d’un musicien que Gauthier Dufossez est apparu à moi. J’ai rapidement compris que chez ce jeune homme la musique et l’écriture s’entremêlaient pour devenir indissociables.

Ce Béarnais de 22 ans a grandi grâce aux livres et au piano. Il passe sa jeunesse à sauter de l’un à l’autre. Quand il ne lit pas, il est au conservatoire. Quand il n’est pas derrière une partition, il est derrière un livre.

Sa passion pour la théorie de la musique et l’écriture musicale est débordante. Si bien que le conservatoire de Pau est bientôt trop modeste pour étancher sa soif d’apprendre. Il rejoint celui de Toulouse pour parfaire son art au piano. Deux ans plus tard, alors qu’il est en terminale, il est accepté, en même temps, dans la prestigieuse université d’Oxford en musicologie et au Conservatoire national supérieur de musique et de danse à Paris.

Il refuse Oxford pour réaliser son “rêve de gosse” : étudier au Conservatoire de Paris.  Et quand le rêve devient réalité, Gauthier doit faire face aux bouleversements provoqués par le COVID. La crise sanitaire et les confinements le poussent à se réinterroger quant à la meilleure manière pour lui de servir l’intérêt général. Ses priorités changent, il doit reconsidérer la direction qu’il entend donner à sa carrière.

Un an seulement après son entrée au CNSMD, il le quitte. Il quitte la capitale par la même occasion et s’installe à Toulouse où il bûche en hypokhâgne puis en khâgne. Sans surprise, il y lit énormément, certes par “coercition académique” avant tout. Les livres reprennent une certaine place.

Mais la musique n’est jamais loin. Il poursuit son cursus à l’ENS où il étudie la musicologie et la géographie. Au royaume de la recherche, il continue de s’interroger sur son avenir. La guerre en Ukraine lui a confirmé – s’il le fallait – son souhait d’être utile. Les mots prenant doucement le dessus, il part explorer d’autres voies qu’offre Normale Sup. Le voilà qui  entame un master en sciences sociales, des études au plus près des politiques publiques et des enjeux contemporains.

Il se forme à la recherche. Une discipline qui lui sied si bien car Gauthier a, de sa propre confession, “ce défaut de vouloir lire et résumer”. Il lit abondamment : entre 5 à 10 livres par mois. C’est une véritable “hygiène mentale” qu’il entretient sans cesse en alternant romans et essais, ponctués parfois par de la poésie ou du théâtre.

Sa tare, mariée à son goût pour l’ombre, fait de lui une parfaite recrue pour le Préfet du Gers. Avec ce stage, il découvre un monde – la préfectorale – et un métier – la plume. Il s’adonne à la rédaction de courriers, de discours, de notes.

Une “belle entrée en matière” qui lui fait toucher du doigt la diversité de la profession. Mais l’exploration des possibles qu’autorise la vague appellation de “plume” n’est pas terminée. Un second stage à venir, au sein d’une administration, viendra bientôt préciser les contours de ses envies et affûter ses connaissances politiques.

En tout cas, il sait déjà une chose : il veut vivre de sa plume. “Ce serait formidable”, confie-t-il, conscient que le milieu est concurrentiel. Le Béarnais aimerait mettre sa plume au service d’un élu ou d’un haut fonctionnaire.

Écrire au quotidien dans un équilibre qui mêlerait la rédaction administrative et l’écriture comme un art. Gauthier a déjà compris qu’une écriture bien affûtée peut être une arme en politique. C’est pourquoi son dictionnaire des synonymes n’est jamais loin. Il lui évite de figer une prise de parole et l’aide à trouver “la juste manière de parler du même avec une inconstance qui, elle seule, peut tromper l’ennui qui guetteguète l’auditoire”.

Mais la plume n’écrit pas seulement, elle pense aussi. Gauthier cherche à être au carrefour de la recherche et de l’action publique. Une plume qui conjugue à tous les temps, servant tantôt pour les discours réveillant notre passé que pour les notes dessinant les contours de notre avenir.

Il aimerait un métier stable, une relation durable pour vivre de sa plume sans “fétichisme de la propriété intellectuelle” ni “orgueil créateur”, comme il le dit. Une situation indispensable pour travailler en parallèle à d’autres projets, d’autres écritures. Ce grand lecteur aimerait aussi en écrire. Un essai peut-être ? À moins que ce ne soit autre chose.

Cette écriture parallèle, Gauthier y tient. Il la maintient en continu, comme une routine fragile mais nécessaire. D’abord parce qu’elle offre un contrepoint salvateur à l’écrit normé, scolaire ou administratif. Ensuite, parce qu’elle soigne sa peur d’être une plume qui n’est pas à la page (cruelle ironie !), autrement dit, qui n’est plus utile.

Ce n’est pas pour rien si, en mai 2024, il a rejoint la Guilde des plumes. Là, il s’ouvre à d’autres profils, “qui vivent de leur écriture”, et à d’autres formes d’écriture. Pour continuer d’essayer, d’explorer, comme il le ferait avec les touches de son piano.

Tandis qu’il écrit, la musique n’est jamais loin. Son exploration des sons et des rythmes se poursuit sous d’autres formes. Apprendre la musique l’a marqué à vie : “Cela m’a appris à penser et à créer dans une autre langue : la musique a son propre vocabulaire, ses tropes, sa ponctuation. Improviser implique de penser le rythme, de choisir ses notes, de ménager certains silences”. Des qualités indispensables dans le métier de plume, notamment quand il s’agit de rédiger des discours.

“La vie sans musique est tout simplement une erreur”, disait Friedrich Nietzsche. “Sans les mots aussi, la vie serait une erreur”, conclut Gauthier Dufossez. Ce n’est pas la Guilde des Plumes qui lui dira le contraire.

Portrait par Hugo Pichon