Le blog de la Guilde des Plumes

LeoTom

3241 signes espaces compris

Retraite d’écriture – jour 1

Dehors, une odeur de figues et d’oseille.

Dedans, l’odeur du marbré au chocolat de Yaël qui cuit au four et nous enrobe de sa moelleuse douceur.

Pour bien écrire, c’est bien connu, il faut d’abord bien manger. Alors ce matin, nous avons fait le plein : pommes de terre, fromage et cornets de glace. De quoi nourrir notre imaginaire pour un moment. Sur le chemin des courses, nous avons parlé de choucroute et de Maylis de Kerangal, en croisant de belles maisons. La nôtre s’appelle LeoTom. C’est une élégante demeure en meulière, construite en 1925, sur trois étages. En arrivant hier soir – de Nîmes, Strasbourg, Trouville, Peillac et Paris – nous nous sommes réparti les chambres, chacun la sienne. Au sol, le parquet craque. Les cheminées en marbre surmontées de miroirs tachetés, les vieilles armoires en bois et les draps blancs à corolle donnent au lieu un charme désuet et champêtre. Partout, les hautes fenêtres laissent entrer la lumière par grands jaillissements. Nous sommes à Vitry-sur-Seine. Si proches de Paris, et déjà si loin. A l’arrière de la maison, un grand jardin aux herbes hautes recèle de nombreux trésors : une petite piscine – ou plutôt un grand bac, dans lequel Martha, Alexandra et Véronique se sont bravement aventurées – des balançoires, un figuier, une grande table en bois, deux mystérieuses petites cabanes fermées à clé, et des bancs en bois ornés de poétiques coussins à fleurs. Tout un petit royaume paisible, peuplé d’herbes folles et d’insectes vrombissants – papillons virevoltant en paires, fourmis aventurières et moustiques tigres organisant des raids assassins, indifférents aux bougies, sprays et serpentins censés nous protéger, sur les coups de 18 heures.

Très vite, chacun s’est trouvé un petit coin pour écrire. Un bout de canapé sous la véranda, la grande table du séjour, une chaise sur la terrasse, un lit, l’herbe du jardin. La maison s’est soudain emplie de mille petits objets personnels, notre attirail de plumes sorti en un clin d’œil des valises – des ordinateurs, des stylos, les nombreux petits carnets d’Alexandra, le Moleskine d’Emma, des lunettes, des écouteurs. Et bien sûr des livres partout, qui nous suivent comme autant de membres silencieux et merveilleux de cette retraite – Gala et Les sœurs Rouart de Dominique Bona, des nouvelles de George Simenon, Le devoir de violence de Yambo Ouologuem, Minuit sur le monde de Jules Pétrichor, Aden Arabie de Paul Nizan, Le pays des autres de Leïla Slimani ou encore Des hommes de Laurent Mauvignier. Nos lectures reviennent à intervalles réguliers dans nos conversations, comme un thème chéri, que l’on a l’impression de ne jamais pouvoir tout à fait épuiser. Des listes se dressent à la volée, sur les téléphones ou sur des cahiers, pour ne rien oublier. De l’écriture, bien sûr, il est aussi beaucoup question. A table, entre deux bouchées de tortilla, chacun a parlé de son projet personnel et de ses objectifs pour ces quelques jours à l’écart du monde. Projets de romans, de nouvelles, de livres pédagogiques… l’écriture est notre unique programme, et pas des moindres. Alors, comme des athlètes à la veille d’un marathon de haute importance, nous nous sommes solennellement souhaité bonne chance.